Un veteran se rapelle: Gould Interview

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(reprit de La Boueille, 12 novembre 1980, écrit par Maurice Landry)


Hier, le mardi 11 novembre, c'était la journée de l'armistice. Pour souligner cette journée, La boueille a été interviewer un vétéran de la première grande guerre, M. Georges Gould. M. Gould est âgé de 86 ans et est pensionnaire à la Villa Providence de Shédiac. Il est connu dans la région surtout pour avoir créé le fameux "Gould's Fried Clams".

En 1917, Georges Gould et son cousin, Tom DesRoches, travaillent tous deux à Saint- Jean sur un bateau du gouvernement, "L'Aberdeen". Entre autres, ils avaient soin des havres et des boueilles pour guider les bateaux. Le gouvernement conservateur de l'époque venait de passer une loi sur la conscription (draft). Comme ils savaient qu'ils allaient être conscrits, ils décident de se porter volontaire dans l'armée. Georges Gould s'en rappelle qu'on ne les a pas entraînés beaucoup mais qu'on les a envoyés à la guerre presque tout de suite. Après seulement deux mois d'entraînement à Saint-Jean, on les envoie en France.

Georges Gould et Tom DesRoches faisaient partie du 65e régiment d'infanterie. Ils traversent l'Atlantique en bateau et débarquent à Boulogne, France, au printemps de 1917. Lorsqu'ils arrivent en France, Georges Gould est transféré au 26e régiment d'infanterie qui avait été quasiment tout détruit lors de batailles précédentes. Il se sépare donc de son cousin qu'il n'a revu qu'une seule fois avant la fin de la guerre. C'était en allant au front, Georges Gould reconnu son cousin parmi un groupe de soldats le long du chemin. Tous les deux s'embrassèrent avant de se séparer à nouveau. Tous les deux allaient passer en travers de cet enfer qu'ils connurent pendant plus d'un an. Toutefois, Tom DesRoches s'en revint au Canada avec une épaule de moins.

Georges Gould s'en rappelle très bien de son premier contact avec la guerre. Ils avaient marché tout l'après-midi et le soir pour se rendre dans les tranchées. Ils pouvaient entendre les coups de fusils de loin. Le soir ils voyaient les bombes exploser et c'était comme si il n'y avait rien que du feu. "Je va être là demain soir" se disait Georges Gould la veille de son arrivée au front.

Ça n'a pas pris longtemps avant qu'il commence à voir les morts partout. En arrivant aux tranchées, une bombe explose et un éclat fend en deux celui qui marchait en avant de lui. On continue à marcher en passant par dessus son corps comme si rien n'était arrivé. "Ça m'a mis sur mes nerfs" de dire Georges Gould.

Pendant plus d'un an, Georges Gould vivra dans les tranchées à faire la guerre. A chaque jour, il ne voit que la destruction et la mort. Six jours par semaine, on restait sur le front en avant. On couchait dans la vase avec les rats. Le dimanche, on les envoyait sur les lignes arrières pour se reposer. Le dimanche, c'était le beau temps, on n'était pas constamment sous le feu et l'ennemi (même si des bombes tombaient à côté d'eux de temps en temps quand même) et on pouvait enlever les hardes pour tuer les puces.

S'il avait peur les premiers jours, Georges Gould dit qu'après un élan on vient accoutumé. "Ça vient qu'on voit tant d'affaires, tant de morts..." dit-il. "Tu viens endurcis" dit-il, "tu t'inquiètes pas de ce qui va arriver". Il ajoute qu'il ne pourrait jamais conter toutes les horreurs qu'il a vu lorsqu'il était sur le front. Il conte qu'une fois il a vu un soldat qui tenait ses tripes dans ses mains pour ne pas qu'elles tombent et qui courait en criant. "On voyait ça à tous les jours" ajoute-t'il.

"Ça fait jongler quand tu penses à ça que t'as vu" dit-il. Il raconte par exemple qu'après les batailles, on trouvait des fois un Canadien et un Allemand morts un à côté de l'autre. Ils avaient chacun planté leur baïonnette dans le corps de l'autre et étaient restés là, couchés un à côté de l'autre avec les baïonnettes dans le corps.

Il raconte aussi à propos d'un camarade, Charlie Castonguay, qui ne s'est jamais remis de l'horreur de la guerre. Georges Gould le trouva une journée les yeux fixés sur un mort qui avait la jambe droite de passée en travers du corps, tout le dessus de la tête arrachée et qui le regardait, les yeux grands ouverts. Georges le sorti de là car Charlie était dans un état de choc nerveux. Il l'amena au docteur et celui-ci renvoya Charlie chez-lui parce qu'il était dans un état de "blood shock". Charlie Castonguay n'a plus jamais parlé par après.

C'est à la bataille de Cambrai que Georges s'est fait blesser. Les troupes canadiennes ont attaqué cette ville et ont réussi à la capturer tout en faisant un grand nombre d'Allemands prisonniers. Ils ont continué à foncer sur les lignes allemandes. Georges Gould faisait partie d'une patrouille de sept hommes en charge d'une mitrailleuse. C'est lui qui tirait la mitrailleuse. Ils arrivèrent à un champ ouvert. Les Allemands étaient installés dans un chemin plus bas que ce champ et firent feu à la mitrailleuse sur les Canadiens. Les six autres qui étaient avec Georges se sont fait tuer. Lui, il a reçu une balle dans la hanche, et qui sortit par les reins. Après s'être fait blesser, il a réussi à se rouler dans un trou et resta là de 9h a.m. jusqu'à 3h p.m. Les Canadiens attaquèrent de nouveau et ils l'ont ramassé et amené dans un hôpital. Il fut envoyé en Angleterre et quelques mois plus tard la guerre se terminait.

"Je vois pas pourquoi c'est qu'ils avont la guerre" de dire Georges Gould. "Les Allemands c'est tous du monde comme moi p'is toi" continue-t'il. Georges raconte qu'une fois, un Allemand qu'on avait fait prisonnier demanda: "Pourquoi c'est que vous autres vous voulez nous tuer?" Et on lui répondait: "On est forcé de tuer, pareil comme vous autres; si on vous tue pas, c'est nous-autres qui va être tués". "On était tous des frères" de dire Georges Gould, "et quand on voyait un Allemand c'était 'tough' de se mettre là pis de tirer une balle dedans ton frère". Il se rappelle qu'à Noël, les deux armées avaient célébré ensemble. On avait monté un arbre de Noël entre les deux tranchées. Georges se rappelle que cette fois là un Allemand lui disait qu'il ne voulait pas le tuer, et lui de répondre qu'il ne voulait pas le tuer non plus. Mais la guerre étant la guerre, ils étaient forcés de se tuer un l'autre.

Georges Gould se rappelle à la bataille de Cambrai où il a été forcé de tirer sur des Allemands qui se sauvaient et qui n'étaient même pas armés. "Ça ma cassé le coeur" dit-il. Georges était installé à un coin de rue avec sa mitrailleuse. Des Allemands courraient pour eux, poursuivis par d'autres Canadiens. Ils ne savaient pas qu'il y avait une mitrailleuse là. L'officier qui était là donna l'ordre à Georges d'ouvrir le feu avec sa mitrailleuse afin de les arrêter de se sauver. Georges se ferma les yeux pour ne pas les voir lorsqu'il commença à tirer. "C'était comme tirer sur des moutons" se rappelle-t-il. Mais il n'avait pas de choix.

"Quand je viens à jongler dessus" dit-il de la guerre, "ça me donne des mals de tête". Parfois il se demande pourquoi tant d'autres se sont fait tuer, mais lui a réussi à passer en travers. "Ça fait jongler" dit-il. "J'y pense encore souvent" dit-il.


(from: http://www.rbmulti.nb.ca/shmr, New Brunswick, Canada, Roy-Babin Multimedia Productions)


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